Un si long chemin
La guerre faisait rage dans ce coin du Sahel
Des cavaliers armés, déferlant du djebel
Ivres de sang, de feu, dans leur folle fureur
Assassinent les hommes et sèment la terreur.
Djamila s'est enfuie, les bras chargés d'enfants
Une fuite éperdue, une fuite infinie.
Elle ne savait vers où, elle ne savait comment.
Elle portait dans ses flancs une nouvelle vie.
A laissé derrière elle les ruines du Darfour,
A travers le désert, a gagné la Lybie.
Il fallut tout quitter, peut-être pour toujours
Et s'embarquer vers quoi et vers quelle autre vie ?
On les a entassés sur des bateaux-poubelles
Et les uns sur les autres, entassés par centaines.
Ils sont restés des jours sur ce piège mortel
Echappant par miracle à une mort certaine.
Ballottés par les vagues, ils se voyaient perdus
Quand survint un bateau qui, enfin, les a vus
Harassés, affamés ils furent secourus
Mais d'autres, sous leurs yeux, dans l'eau, ont disparus.
Alors , sans réfléchir, Djamila s'est chargée
De trois enfants de plus, devenus orphelins.
Quand à Lampedusa, enfin, ont débarqué
C'est une seule fratrie qu'elle tenait par la main.
Et puis, a commencé, en allant vers le Nord
Une si longue marche, une marche sans fin.
Un enfant lui est né, cependant elle ignore
Où est né cet enfant, juste au bord du chemin.
Avec des bouts d'étoffe, leur a lié les mains,
Liés les uns aux autres, et pour n'en perdre aucun
Car elle en a trop vu de ces enfants perdus
Qui pleurent une mère qu'ils n'ont jamais revue.
Qu'y a-t-il devant elle ? Des murs, des barrières
Des pays retranchés à l'abri des frontières ?
Pour elle, il y a l'angoisse du lendemain ;
Que trouvera-t-elle au bout de ce si long chemin ?